Michael Pollan y répond sur plus de 200 pages dans « nutrition, mensonges et propagande ». Explication de textes et extraits de son livre paru chez Thierry Souccar Éditions.
Le nutritionnisme est elle une science, une époque ou un mode de vie ?
Il s’agirait d’une idéologie qui cantonne l’alimentation à une fonction de santé. Légitimement, nous devenons orthorexiques, nous sommes inquiets pour notre nourriture, nous ne savons pas si nous devons être enrichis à l’oméga 3, à la vitamine C ou je ne sais quelle vitamine ou substance. Nous ne savons plus rien, nous n’avons plus de repères et sommes dans l’obligation de confier notre assiette aux conseils des nutritionnistes vantant chaque produit dans les publicités, aux conseils des milliers d’articles annonçant des biscuits miracles ou des salades magiques.
Michael Pollan écrit :
« La manière dont les questions les plus basiques à propos de l’alimentation sont devenues si compliquées est très révélatrice des impératifs institutionnels de l’industrie agro-alimentaire, de la science de la nutrition et du … journalisme. Ces trois parties ont beaucoup à gagner d’une confusion généralisée autour de la question la plus élémentaire à laquelle est confronté un omnivore […] La plupart des recommandations énoncées ces cinquante dernières années (à commencer par celle de remplacer les lipides par des glucides) nous ont, en fait, rendus en moins bonne santé et considérablement plus gros. »
Le problème de ces comportements résident dans l’abandon total des habitudes culinaires. Démodé le bœuf carotte maison, les ratatouilles avec les restes de la veille, des goûters de 4 heures au pain complet avec deux carreaux de chocolats. Plus facile les plats cuisinés et produits transformés ? Plus facile les aliments qui apportent une solution immédiate aux écarts de régimes.
Sur la question des produits transformés, Michael Pollan écrit :
« … augmentation des aliments hautement transformés et céréales raffinées, […] monocultures intensives, […] surabondance des calories bon marché, […] poignée infime de cultures de blé, maïs, soja surtout […] excès de sucre et graisses ajoutées, bref excès de tout hormis les fruits, les légumes et les céréales complètes.
Quand […] un peuple abandonne sa manière de manger traditionnelle pour adopter une alimentation industrielle, il ne tarde pas à souffrir de maladies typiquement occidentales : obésité, diabète, pathologies cardio-vasculaires et cancer «
Un dentiste canadien, des années 30, Weston A. Price était né en 1870 dans un milieu rural au sud d’Ottawa. Lorsqu’il installa son cabinet à Cleveland, dans l’Ohio, il observa une augmentation « anormale » des problèmes dentaires au tournant du siècle dernier. En son temps Price, scientifique amateur (comme c’était souvent le cas à l’époque) était obsédé par ce sujet et ses recherches furent prisent au sérieux à l’époque. Il était convaincu qu’une mauvaise alimentation expliquait à elle seule les caries, les maladies cardio-vasculaires mais aussi la délinquance juvénile, l’effondrement des civilisation et … la guerre. Il va loin dans sa démarche et il a ouvert la voie à des études basées sur le principe des groupes de contrôle. Le principe est simple. Au lieu de prendre une population « malade » et lui donner à manger des aliments « correcteur », « facilitateur » ou « réparateur », comme le font nos études actuelles avec les cobayes et Mr Placebo, il adopta l’étude des population se nourrissant « encore » de façon traditionnelle. Kerin O’Dea reprend la voie d’une compréhension protoécologique des aliments afin d’éviter le piège du « nutritionnisme » [pour info, l’industrie agro-alimentaire c’est 17 000 nouveaux produits sur le marché et 32 milliards de dollars dépensés en promotion].
Cette chercheuse, en 1982, observe dix aborigènes d’âge moyen, en surpoids et diabétiques, vivant dans des villages, en Australie. Constat « Une alimentation riche en sucres raffinés associée à une vie sédentaire »
Elle eu l’idée de « ré-introduire » ces dix aborigènes dans leur milieu d’origine naturel, très loin de toute ville, dans le fin fond du bush autralien …
Michael Pollan écrit :
« Après sept semaines dans le bush, O’Dea a effectué un bilan sanguin […] ils avaient tous perdu du poids [8 Kg en moyenne]. Leur tension artérielle était plus basse, leur taux de triglycérides dans la normale et la proportion d’oméga-3 dans leurs tissus avait considérablement augmenté. »
Le diabète de type 2 était grandement amélioré, soit normalisé en seulement 7 semaines.
On peut parler alors de « maladies de civilisation » qui n’existent pas ou sont quasiment absentes par les études de « Albert Schweittzer et Denis P. Burkitt en Afrique, Robert McCarrison en Inde, Samuel Hutton chez les Inuits du Labrador, l’antropologue Alěs Hrdlieka chez les Amérindiens et le dentiste Weston A. Price chez une dizaine de population (indiens péruviens, Aborigène australiens, montagnard suisses). » et Michael Pollan fini ce paragraphe en mentionnant « pratiquement aucun cas de maladie cardiovasculaire, de diabète, de cancer, d’obésité, d’hypertension artérielle ou d’accident vasculaire-cérébral (AVC) ; aucun cas d’appendicite, de caries, de varices, d’ulcères ou d’hémorroïdes.[…] Certains remarquèrent que ces maladies apparaissaient peu de temps après l’introduction d’aliments occidentaux, en particuliers les farines, le sucre raffinés et d’autres types de produits transformés. »
Le nutritionnisme ne veut pas prononcer les mots « retour en arrière », « traditionnel », « respect ». Il préfère parler de « progrès », « d’études nutritionnelles », de « recherches de solutions », de « promotions en faveur des enfants », … Le nutritionnisme s’intéresse au curatif, au business et non au préventif et à l’être humain. [Lire aussi cet article]