Le « manger local » pose beaucoup de questions. Lorsque l’on sait que 86% des consommateurs déclarent faire davantage confiance à un produit local que bio, il y a de quoi se poser les bonnes questions quant à l’avenir de nos circuits courts.
Personnellement, je ne partage pas l’avis de ce sondage. Ma priorité passe par le bio que je m’efforce d’associer au local, bien évidemment ! Mais ne soyons pas dupes, consommer du poivre, du café, du chocolat… nécessitera toujours l’exception à une quelconque règle locavore. Il nous est aujourd’hui impossible de faire autrement que de pratiquer ce que l’on appelle « L’exception Marco Polo ».
Toutefois, je reconnais que l’un des principaux avantages, appliqué en désobéissance alimentaire, reste la transparence que cela peut engendrer. Rien n’est simple en effet. Les aliments industriels n’ont plus de frontière et la transparence de leur origine est complexe. Un aliment industriel est produit à l’autre bout du monde, ou avec des matières premières venant des quatre coins du monde. Cette mondialisation est incompatible avec un quelconque devoir de transparence vis-à-vis des consommateurs. Les crises sanitaires médiatisées en sont les témoins. Manger local permet d’abord de retrouver une saveur… celle de la maturité. Sans protectionnisme exacerbé, une action locale permet de rapprocher le producteur du consommateur. Connaître le producteur permet d’apprécier plus facilement le travail et la qualité. Consommer local pour les produits que l’on peut cultiver sur nos terres est un bien inexorable… en bio c’est encore mieux ! La proximité permet aussi d’échapper aux crises sanitaires (Cheval de Roumanie, champignons radioactifs d’Ukraine, viandes détournées d’embargo). Au final, manger local permet l’économie de nos énergies et contrairement à une idée reçue – largement propagée, on ne sait pas par qui ?- acheter local ne coûte pas plus cher.
Le spécialiste américain des changements climatiques Bill McKibben et sa famille qui vivent dans le Vermont, près de la frontière canadienne sont également soumis à ce dilemme. À travers une intéressante expérience les faisant vivre durant sept mois en ne consommant que des aliments provenant de moins de vingt kilomètres de leur domicile, ils ont reconnu avoir fait quelques entorses à leur exigence. Ils ont dû instituer « l’exception Marco Polo » en se permettant la consommation de poivre, d’épices et aliments dont les régions voisines ne sont évidemment pas productrices.
Il est vrai que nous pouvons tous vivre avec peu de choses, mais au-delà de la consommation personnelle d’un produit, il ne faut jamais oublier que les restaurants ont un besoin de se renouveler s’ils souhaitent survivre à la concurrence et aux crises.
Alors, comment faire ? Poivre, café, chocolat… pas de débat… soit nous arrêtons, soit nous importons.
Pour le reste d’énormes efforts sont mis en place et c’est là que cet article devient intéressant … l’exception Marco Polo peut être revisitée.
En 2024, grâce à de nombreux passionnés, l’Hexagone propose de petites pépites.
#1 Des algues bretonnes.
Bien que ces macroalgues soient exploitées depuis le néolithique, il aura fallu attendre que le Japon les popularise et les incorpore dans des plats appréciés par les Français, comme le varech des nori entourant un sushi ou comme le kombu dans les soupes miso (prononcer misso), pour qu’enfin la production soit relancée à grande échelle.
#2 Du miso régional.
De nombreux artisans proposent des misos de qualité, fabriqués de façon artisanale selon la tradition japonaise. Riz, orge, pois chiche… sont autant de types de fermentations aujourd’hui produites en France. Yoromiso à Argelès-sur-Mer, Zen Miso à Aups… la liste s’allonge de mois en mois.
#3 Des bananes pyrénéennes.
En 2023, l’agriculteur et maraîcher bio Didier Salgado, installé sur son domaine de la Devèze à Pollestres, a récolté son premier régime de bananes catalanes.
#4 Du quinoa d’Anjou.
Grâce au travail de passionnés, un tiers du quinoa consommé en France aujourd’hui vient d’Anjou ! Rappelez-vous les critiques portées à cette pseudograine lorsqu’elle venait du Pérou en masse. Son succès a propulsé les exportations et affamé un pays. Espérons rétablir un équilibre en le produisant en majorité chez nous.
#5 Du safran du Gers.
Quand on pense au safran, on pense à l’Orient. Pourtant, le safran s’acclimate parfaitement aux terres gersoises. Sébastien et Magalie Gaurois à Gondrin ou encore Valérie Galy à Cadeilhan – pour ne citer qu’eux – l’or rouge à de beaux jours devant lui.
#6 Du thé de la Loire.
En six ans, la Fabrikathé, à Pouilly-les-Nonains, avec Julien David et son équipe, a créé 2 hectares de plantations : 7 000 m2 pour faire pousser 850 théiers, une variété venue de Turquie supportant les grands écarts de température, et 1,3 hectare pour des plantes aromatiques, médicinales, épices et un espace de maraîchage pour le personnel, soit 28 000 plants en tout.
#7 Des kiwis du Sud Ouest.
Le kiwi de l’Adour est un des fleurons de la production fruitière du sud-ouest de la France. Il est le seul kiwi à bénéficier de la double certification Label rouge et Indication Géographique Protégée (IGP).
Beau palmarès. J’en oublie sûrement et d’autres compléteront nos paniers. En attendant, que Marco Polo se tienne à carreau !!
Entendu à la radio ce week-end : le circuit court n’est pas forcément local, c’est peu d’intermédiaire. Donc du café bioéquitable qui vient des amériques en bateau à voile, c’est court et décarboné 😉
Mouais je me méfie de ces circuits équitables sur le papier . Comme il y a quelques années avec ces transports à voile qui finalement utilisaient des moteurs pour gérer des mers sans vents !