Dans le « Journal Des Bonnes Nouvelles« , chaque mois, je répond à une question posée par les lecteurs, voici celle de Décembre 2021.
[Sommaire des articles parus].
Question :
Avec la COVID 19, on parle souvent de perte de goût. Mais c’est quoi en fait le goût ?
Ethan. 12 ans. Collégien.
Très bonne question Ethan. Le goût est un terme employé à tort et à raison. Pour tenter d’expliquer cette notion, nous parlerons de saveur… car il s’agit d’un terme étroitement lié à ta question.
L’IDÉE REÇUE
Des illustrations représentent la langue avec 4 zones distinctes servant à évaluer les saveurs sucrées, salées, acides ou amères. Malheureusement, beaucoup de livres pour enfants reprennent cette idée somme toute réductrice et irrémédiablement fausse.
LA RÉALITÉ
La réalité est plus complexe et subtile. Les travaux de la psychologue américaine, Linda Bartoshuk, ont démontré que les saveurs sont perçues sur la totalité de la surface de la langue et que seule l’intensité change en fonction des zones. En d’autres termes, comme le montre mon illustration, nous avons des récepteurs plus ou moins sensibles pour traduire les saveurs. À l’extrémité, nos papilles fungiformes sont légèrement plus réceptives aux saveurs salées, mais sans pour autant occulter les autres. À l’inverse, au centre et au fond, nos papilles foliées et caliciformes captent plus aisément l’amertume, sans pour autant négliger l’acidité et le sucré.
DEUX ET DEUX FONT QUATRE
Si l’on commence à parler de goût, de saveur, de sensation… l’exploration est immense. Découvre les multitudes aspects :
• LE 5e GOÛT
Il n’y a pas 4 goûts, mais bel et bien 5 ! Eh Oui, Ethan, tu vois, avec ce sujet, tu n’as pas fini de donner ta langue au chat !
Mais alors, quel est ce cinquième goût ? C’est UMAMI (ou UNAMI, signifie “goût savoureux” en japonais ).
• LA SENSATION
En explorant la notion de saveurs, on peut aller encore plus loin et parler de sensation grasse (huile…), piquante (poivre…), brûlante (piment…), chaude (chocolat…), astringente (tanins…) ou fraîche (menthol…).
• LE SENS CHIMIQUE
Tu l’as compris, ta langue captera d’innombrables sensations grâce aux papilles, mais elle devra aussi compter sur ton nez ! L’odeur participe à 90 % du goût d’un aliment. On parle de sens chimique.
• LE SENS RHÉOLOGIQUE
Avec l’avènement du marketing alimentaire de ces 40 dernières années, de nouvelles études se sont penchées sur le sens rhéologique. Ce terme un peu barbare est simple. Quand tu manges des chips. Le bruit de la texture, le croquant donnera une représentation du goût qui participera à la saveur.
• LE SENS CULTUREL
Par extrapolation, à la limite hors sujet, je tiens à ajouter la notion culturelle. Un Japonais découvrant un fromage qui pue, ou un français découvrant un “nato” japonais gluant de soja fermenté seront face à un challenge. Habitués à des odeurs et saveurs imposées par nos parents, nous modifions la perception. Contraindre un enfant à des saveurs insipides et formatées est un enfermement… souvent à vie qui fait les choux gras de l’industrie agroalimentaire.
UMAMI
Revenons à ce cinquième goût. Cette saveur inventée par des industriels japonais combine deux acides aminés (aspartate et glutamate) présents dans la viande, le soja ou les champignons. Aujourd’hui on intègre cette notion en cuisine pour augmenter la perception… sans saler davantage !
Ethan, te voilà armé pour découvrir ce monde qui t’entoure. Je disais souvent à mes élèves de laisser un peu de côté le goût sucré, et de commencer tôt à en explorer d’autres. L’amer, l’astringent s’apprennent et participent à des expériences culinaires souvent bien éloignées de celles des produits industriels. Profitons-en ! Bernard Weber a écrit dans le livre du voyage, en 1997 : “On ne peut pas expliquer le goût salé à quelqu’un qui ne connaît que le sucré. Il faut le vivre pour le savoir.”
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