Découvrez le parcours d’une intolérante au gluten et lactose. Son auteure, Léa Guilbaud, nous livre un témoignage accablant. Je le propose sur mon blog, pour informer certes, mais aussi rassurer celles et ceux qui sont aujourd’hui en proie à des doutes sur leurs états de santé. Que ce témoignage leur donne de nouvelles pistes, horizons, espoirs et forces.
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ÉTÉ 2017
Pendant l’été 2017, j’ai 19 ans, et pèse 78 kg pour 1,74 m. Je vis avec des formes que je n’arrive plus à perdre et mets cela sur le compte d’un passage obligé, d’une fatalité lorsqu’il faut passer de la petite fille à la femme. Je suis née dans une famille qui a toujours aimé manger avec raison et sélection. Mes parents ne consomment pas de produits industriels, et ne sont pas attirés par les aliments contenant du gluten, du lactose et du sucre. Adolescente j’ai vécu un mode alimentaire différent selon que je sois chez moi ou à l’extérieur. Je ne me suis donc pas rendu compte que mon état de santé se dégradait aussi lentement que sûrement. Mes fatigues, mon irritabilité, mes troubles menstruels étaient tous mis sur le compte de mon changement hormonal. En alternant ces deux modes, je repoussais la possibilité d’observer une régularité des symptômes qui me causaient tous ces troubles.
Ballottée entre une cuisine familiale de raison et une alimentation déséquilibrée entre amis, je vivais des moments étranges de replis sur moi-même dus à mes symptômes, sans aucune espèce d’explication rationnelle.
Et puis un jour, je décide de vivre une expérience culturelle et humaine d’un mois au fin fond du Kenya. Ce voyage a radicalement changé ma vie et dressé un avenir plus radieux. J’étais loin d’imaginer qu’au-delà de la rencontre extraordinaire avec les descendants d’une tribu kikuyus, j’allais surtout faire un voyage d’introspection pour me retrouver face à moi même…
AU BOUT DU MONDE
Dans mon imaginaire, le Kenya état une terre d’aliments nouveaux. Outre les fruits et légumes magnifiques, je découvre, une fois sur place, que la cuisine traditionnelle kenyane a subi, de plein fouet, l’influence de l’industrie agroalimentaire. Les plats sont très chargés en lactose et en gluten, les frigos kenyans sont remplis de produits industriels. Les petits villages autour de Nairobi n’ont pas les décors que j’imaginais, car les horizons sont chargés d’immondes panneaux publicitaires et les dernières petites maisons traditionnelles sont souillées par d’innombrables peintures sponsorisées par des grandes marques. Avec enthousiasme, en tant qu’invitée, je calque les huit premiers jours de mon voyage sur le rythme alimentaire kenyan.
LE JOUR DE LA DÉSILLUSION
Au 9e jour de mon séjour, je suis rattrapée par des douleurs d’estomac, des migraines, des vomissements, des crises d’eczéma, une chute de cheveux, des pertes de mémoire, une humeur dépressive et surtout, une fatigue très inquiétante.
Inquiétante à deux titres : une santé qui me préoccupe et l’idée que mon avion qui me mènera à mon médecin ne repartira que vingt et un jours plus tard…
Me voilà alitée pendant plusieurs jours, loin de chez moi et entourée de personnes qui ne comprennent pas ce qu’il m’arrive et qui ne demandent qu’à me faire découvrir leur magnifique pays. Cette situation est des plus désagréables pour tout le monde. Je suis gênée, exténuée. Je dois me relever.
LA DÉCISION QUI A CHANGÉ MA VIE
Après une longue conversation téléphonique avec mon père et mon médecin, il nous semble tous évident qu’il faille le plus rapidement possible éliminer tout gluten et lactose de mon alimentation. Autant l’exercice est déjà très déconcertant lorsque vous êtes confortablement installé chez vous, dans votre pays, autant il prend une tournure cauchemardesque lorsque vous vous retrouvez à 8000 kilomètres de la maison. Ne voyant pas de meilleure solution à mes maux je n’avais pas d’autre solution. Me voilà, à devoir expliquer à mes nouveaux amis kenyans que dorénavant mes repas seront quelque peu différents… Imaginez la difficulté à expliquer tout ceci à une famille aux petits soins avec vous. Si j’étais embarrassée, ils n’en étaient pas moins déstabilisés.
Chaque jour qui passait, les maux diminuaient très légèrement jusqu’à atteindre, au bout d’une semaine, un niveau tolérable. Rien n’était gagné. Des hauts et des bas faisaient varier mes journées, mais c’était un soulagement tout de même. J’avais entrepris une bataille contre mes douleurs intolérables et ne devais donc plus consommer le moindre gluten ou lactose.
RETOUR AU PAYS
Pour confirmer et comprendre cet épisode douloureux, mon retour en France commence par des analyses médicales. Le verdict est clair : plus jamais de gluten ou de lactose dans mon alimentation. Mais recevoir ces résultats ne suffisait pas à me guérir. Mon corps était comme intoxiqué, fatigué, exténué par ce que je lui avais fait vivre. Je devais donc, c’est le cas de le dire, prendre mon mal en patience. Presque 8 mois seront nécessaires pour me rétablir de cette alimentation qui m’était devenue toxique. Afin d’écarter toute part psychologique à mes douleurs, mon père a même essayé d’en introduire à mon insu… Mais chaque écart se révélait inexorablement ravageur. C’est donc armée de beaucoup de patience et de volonté — mais avais-je le choix ? — que j’ai guérie patiemment. J’ai dû apprendre à écouter mon corps, ses souffrances, ses fragilités et ses besoins. La première année fut difficile. Mes symptômes s’estompaient, mais ma balance ne signifiait aucun changement de poids.
365 JOURS ET PLUS
Il m’aura fallu un an ferme pour entrevoir le résultat de mes efforts. Mon corps reposé m’offrait une taille de pantalon en moins. J’acceptais enfin que mon métabolisme soit unique, différent de tout un chacun. L’uniformité de notre société alimentaire rompait sous ma volonté, la clairvoyance de ma nouvelle habitude me révélait des perspectives de bénéfice santé unique.
Voilà maintenant trois années passées où j’ai méthodiquement exclue toute trace de gluten et de lactose de mon alimentation. J’ai pris plaisir à manger, à guérir et finalement perdre du poids. Me reprenant en main, il était hors de question que je tombe dans les pièges des aliments industriels sans gluten. Non, pas de sucre, pas d’amidons ultratransformés. Juste une alimentation plus riche en fibres, en protéines végétales, animales et en acides gras essentiels.
Je me sens mieux, je n’ai aucune frustration et me suis épanoui en cuisine et en pâtisserie tout en adoptant un mode alimentaire entre paléolithique et cétogène. En d’autres termes, un retour aux sources de l’alimentation humaine, riche en gras, pauvre en sucre et exaltante de saveurs ! Trois ans à l’écoute de mes nouvelles nécessités ont eu raison de 19 kilos qui me collaient à la peau depuis la sortie de l’adolescence, sans avoir altéré ma gourmandise.
Comme dans tout processus d’apprentissage, il y a une phase d’acceptation. La mienne fut rédemptrice. J’acceptais enfin que ces intolérances étaient finalement plus bénéfiques que contraignantes. Une bénédiction sanitaire, spirituelle et esthétique ! Rien ne me ferait faire machine arrière.
SAUF QUE…
Un jour, emprise de vives douleurs mensuelles m’empêchant de mener une vie normale, j’ai dû rapidement consulter un spécialiste. Ce jour-là, la nature est violemment venue me rappeler que j’étais une femme et que l’endométriose me guettait.
Après différents échanges avec mon médecin, nous avons dû nous rendre à l’évidence que seule la pilule contraceptive pouvait réguler ces désagréments et risques. Cette même pilule que j’avais sciemment arrêtée pour sa teneur en lactose redevenait un dilemme au cœur de ma santé.
Acceptant de la reprendre, j’étais convaincue d’en trouver une « sans lactose »… Mais que cela soit sur le marché français ou européen, toutes marques confondues contiennent cette foutue protéine de lait.
Dépassée, outrée, je contacte avec espoir un grand laboratoire et fabricant de contraceptifs oraux. Sa seule réponse fut une enquête de pharmacovigilance sans suite. À une époque où les intolérances et allergies sont prises en considération par la science et les politiques, il paraît tout à fait inconcevable qu’aucun labo n’ait pu trouver autre chose, que du lactose comme excipient, pour la prise d’hormones. Pourtant c’est le cas !
Après quelques semaines de prise, je constatais une aberration insoutenable. Sans pilule, mes menstruations m’obligeaient à passer une semaine alitée et emprise de vives douleurs physiques, accompagnées d’un moral à zéro, sans parler des risques d’endométriose. Avec pilule, je retrouvais mon ancien quotidien, jamais dépourvu de souffrances, d’eczéma, de troubles de l’humeur, de perte de mémoire, de pertes de cheveux, de fatigues et de douleurs abdominales.
Il m’était impossible de rester dans cet état. Je connaissais trop l’issue délétère pour mon physique et mon moral. Après six mois d’essais, je disais définitivement stop à la pilule contraceptive contenant du lactose.
Mais alors, comment m’y prendre ? Je précise « m’y » prendre, car vous êtes seul dans ces moments. J’ai rencontré des avis médicaux, négligeant mon état et, sourds vis-à-vis de mon mal-être, qui me donnaient comme seul conseil celui de continuer la pilule — hors de question pour moi —, l’implant, l’anneau ou le stérilet hormonal — trop chargés en hormones —, le stérilet en cuivre — inadapté à mon besoin d’hormones.
Aucun procédé ne correspondait à la petite dose d’hormone nécessaire à contrer mes douleurs.
Après quelques recherches avec ma famille, nous avons trouvé un éventuel espoir avec le dispositif contraceptif transdermique. Ce patch hebdomadaire propose une petite quantité d’hormones (équivalente à une pilule microdosée) en diffusion au travers de la peau… et sans lactose !
Je suis en période d’essais, mais quelque part je suis confiante et soulagée d’avoir trouvé une alternative sans substances allergènes.
Ce qui est navrant c’est que ma propre gynéco n’eut comme seule solution que d’acquiescer ma proposition de patch contraceptif. Elle m’avouait n’y avoir pas pensé. Pire encore, elle semblait avoir écarté cette solution, car je cite « ce n’est pas très esthétique sur la peau ». On croit rêver non ? Vous pensez vraiment que ma souffrance me ferait faire la coquette ?
J’ai été écœurée par une société qui ignore les intolérants, allergiques, hypersensibles, les cœliaques et les véganes. Mais aussi, découragée par des gynécologues, des endocrinologues et médecins généralistes, qui m’ont soufflé l’idée que mes problèmes de gluten et de lactose n’étaient peut-être qu’un phénomène de mode. Certains m’expliquaient que « j’inventais » très certainement mes symptômes alors que d’autres allaient encore plus loin en me stigmatisant par des paroles indignes telles que » « Arrêtez d’embêter vos amis, votre famille, ou encore les cuisiniers des restaurants, prenez sur vous enfin ! C’est dans votre tête tout ça, alors remangez-en et ça passera ! » Entre les lignes, on me demandait d’essayer de consommer utile pour le bien de la société même si je devais souffrir en silence ! Comment ces professionnels de soin peuvent autant renier leur serment vocationnel ? Hippocrate est relégué au rang des icônes sans consistance !
LE TEMPS DU CHANGEMENT
J’ai choisi de partager ce parcours, car je ne suis pas seule. J’ai eu la chance d’être entourée de parents bien informés et concernés par ma santé.
Je n’ai pas choisi d’être intolérante, je n’ai pas à en avoir honte et cela, malgré les paroles douloureuses d’un corps médical dépourvu de bon sens.
Personnellement, j’ai décidé d’apprivoiser ces intolérances, de faire un immense travail sur moi-même, de réadapter au mieux ma vie sociale. C’est-à-dire d’accepter avec plus de recul les moqueries et paroles déplacées… et parfois à faire du tri dans mon entourage lorsque les discours devenaient trop blessants. J’ai reçu des réflexions d’amis très dures à entendre, telles que « Moi personnellement je me suiciderais si j’avais ces intolérances ! », mais aussi « t’es une fille trop bizarre à manger des amandes et boire du thé le matin, tu ne peux pas faire comme tout le monde Madame la Duchesse ? », ou encore « Tu nous fais chier on peut jamais manger où on veut à cause de toi ! ». J’ai donc choisi de me recentrer sur moi-même, de réorganiser toute mon alimentation, d’apprendre à m’écouter, me faire confiance et me mettre à cuisiner quotidiennement.
UN BEAU RÉSULTAT
Aujourd’hui, à 22 ans, je pèse 59 kg pour 1,74 m, je n’ai aucun problème de santé, je suis heureuse, je fais du 34-36 selon les marques, mon poids est stable, ma mémoire va bien, mon ventre, mes cheveux et ma peau aussi, je suis gourmande et je mange sans frustration des produits maisons sans gluten/lactose/sucre, je fais du sport quand j’ai envie pour m’aérer l’esprit et non pas pour mincir, monter sur la balance n’est plus une angoisse, et surtout… j’ai trouvé ma contraception envers et contre tout un système détraqué !
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Léa Guilbaud
À lire aussi : La Teff ou la bienveillance du sans gluten !
Merci pour ce témoignage dans lequel je me reconnais et cette idée du patch est intéressante++ ayant aussi une endométriose prendre la pilule est Complexe avec le lactose!