Chaque année, le salon Côté Sud s’installe au parc Jourdan à Aix-en-Provence. Il s’agit d’un salon de décoration mais on y entend des infos alimentaires parfois surprenantes …
Lors de chaque salon Côté Sud, nous pouvons assister, à l’ombre du cagnard* provençal, à une démonstration de cuisine simple, rapide et efficace de Reine Sammut. C’est un plaisir que de la retrouver. Une femme simple, sympathique avec un sourire permanent. Une femme-chef qui permet de rappeler que les femmes ont leurs mots à dire en cuisine et que si les femmes-chefs y sont si rares, c’est plus pour des raisons de vies sociales liées aux mariages et aux enfants que pour leurs talents. Ce qui me plaît aussi chez Reine, c’est son franc parler convivial et sans vocabulaire pédant comme trop souvent ce genre de milieux nous réserve. Une tomate reste une tomate et il est pénible en effet de voir s’éterniser certains passionnés sur un vocabulaire emporté et précieux pour nous les faire passer pour des bijoux élevés au rang d’une 8e merveille.
Ceci étant dit, écoutons l’assemblée. Les gens disent ou répètent des choses qu’ils entendent … parfois fausses.
Reine Sammut, cuisine une petite fricassée d’aubergine, avec un peu d’ail, de sel et d’huile d’olive et une fois froid, le tout sera mélangé à un peu de yaourt à la turque (à la Grecque), acheté en épicerie spécialisée : [en l’occurrence ici la corbeille d’Orient – Pertuis/Aix-en-Provence].
L’instant de cuisine se passe dans une des petites cabanes show-room du salon, une cabane ouverte de tout côté, comme un comptoir de bar de paillote de bord de mer, pour y laisser voir une cuisine en expo. Loin de sa cuisine et de son matériel habituel, Reine utilise un wok sur plaque à induction et l’aubergine qui demande à mijoter, ne se fera saisir qu’a renfort d’huile d’olive pour ne pas accrocher.
L’assemblée est gentiment outrée de ce taux de lipides apportés et commence les commentaires.
« Oh non, ce n’est plus diet ? » ou bien encore « Utilisez-vous une autre huile, car l’huile d’olive n’est pas une huile stable ? ».
Si l’on se prend au jeu, on se surprend à répéter une fois de plus les mêmes choses. Le gras [le bon] est un élément indispensable à l’équilibre alimentaire. Sans en abuser, il faut arrêter de le fustiger. La vitamine E est présente dans les lipides et notre cerveau utilisera les lipides pour le bon fonctionnement de nos neurones. Le sucre fait grossir, pas le gras. En tous cas c’est ce que présentent les rapports et expériences dénonçant les régimes lipidiques.
Certes, je ne veux pas encourager la consommation de gras, il faut un équilibre, et les nouveaux centres de régimes, américains, basés sur les restrictions glucidiques et non lipidiques ont des résultats exemplaires, depuis 5 ans ! Mais stop à la peur du gras et aux phrases toutes faites, il faut faire attention à ce « rabâchage » permanent sur le mauvais gras et le bon sucre. Il faut se rappeler que les Méditerranéens/Crétois, ou les Japonais/Okinawais, nous présentent un juste équilibre de fruits, de légumes, de poissons et d’huiles bénéfiques et de peu ou pas de sucres.
Quant à la question sur la stabilité de l’huile, je rappelle que le point de fumée d’une huile d’olive vierge extra (non raffinée) est de 180° et que cela suffit largement à toute cuisson douce ou sautée. Au-delà, bonne ou mauvaise huile c’est un massacre.
Plus tard, lors du deuxième passage d’aubergines, pour régaler toute l’assemblée, une voix s’élève pour dire « Mais le wok, c’est long, on devrait les faire précuire avant. »
La question semble cohérente, mais la réponse est complexe. En effet, tout le principe du wok est la « saisie » de l’aliment de façon brève, pour garder les nutriments et le croquant. Si l’on précuit, la deuxième cuisson rend l’aliment mou. Dilemme pour les maisons spécialistes du Wok. Il faut beaucoup de WokMan pour répondre à la demande rapide et cela coûte en main-d’œuvre. Trop de Bars à Wok en ont fait les frais, pour ne pas avoir atteint leur seul de rentabilité.
Il est amusant de partager ces moments avec des passionnés, des gourmands, des badauds et des bavards, c’est toujours enrichissant. Pour info, Reine, cette recette est un sans faute pour ses ingrédients de première qualité … sauf peut-être, en pinaillant : le sel ! Il aurait été plus judicieux d’utiliser un sel non iodé, non raffiné, plus authentique !
* Cagnard : En plein soleil. On dit en Provence, « Ne reste pas en plein cagnard, tu vas t’ensuquer »