C’est l’été chaque année et c’est tant mieux. L’été nous apporte des fruits et légumes colorés, du soleil et des petits écarts alimentaires bienvenus comme les glaces et les sorbets.
Chose étonnante est la consommation de cette sucrerie glacée. On pourrait croire que ce sont les pays chauds les plus gros consommateurs… eh bien non. Mis à part les Américains qui sont hors compétition avec environ 24 litres par an et par personne, nous trouvons les pays nordiques, avec en première place les Norvégiens avec environ 14 litres et les Finlandais ou les Suédois avec 12 litres. Nous trouvons ensuite, un pays du Sud, l’Italie avec 9 litres, puis la Grande-Bretagne et le Danemark avec environ 8 litres. Avec seulement 6 litres, nous trouvons la Belgique, la France et l’Espagne.
Malgré la crise, 80% des Français n’envisagent pas de réduire leur consommation de glace (Source : étude IPSOS), et ce dessert estival reste un plaisir intense qui n’a pas échappé aux industriels. Connaitre deux ou trois informations sur celles-ci vous permettra de les apprécier… à leurs justes valeurs.
Pour ma part, je préfère consommer de la glace en hiver. Elle ne fond pas sur les doigts et sa saveur est bien meilleure. Je comprends pourquoi les pays du Nord en consomment tant.
Historique
L’origine mystérieuse de la glace est attribuée à un artisan glacier viennois vers 1530. Beaucoup de légendes tournent autour de sa création, et nous avons accès à de belles histoires qui n’ont pas de preuves ou pire encore, propagent des inepties historiques.
Explications. Nous savons qu’à la cour d’Alexandre le Grand existait un dessert froid. Sans technologie, sans machine, ils concevaient avec les moyens du bord, une macédoine fruitée enrobée dans un miel figé par le froid de la neige. Toutefois, il est faux de croire que Marco Polo ai pu ramener une glacière au XIIe siècle, tant les historiens doutent du fait que cet explorateur est pu fouler le sol de Chine. Marco Polo, marchand, aurait dû être frappé par la monnaie papier chinoise, et il n’en a jamais parlé. Il n’a jamais mentionné dans ces récits, non plus, les pieds bandés des femmes et la grande muraille, impossible à rater.
Du côté de l’Europe, Catherine de Médicis n’aurait pas pu être à l’origine de son introduction en France, puisque manifestement la glace n’existait pas encore dans ces contrées.
Autre sujet de légendes et de polémiques : Le « cornet » à glace, que les Américains décrivent comme né en 1904 à Saint Louis. La légende dit qu’un marchand de glace travaillait à côté d’un vendeur de gaufres. À court de pots, il eut l’idée d’utiliser des gaufres roulées pour finir sa journée et ce fut un succès immédiat. Mais alors, comment expliquer qu’en France, les gravures de 1807 des cafés parisiens présentaient déjà des femmes mangeant des glaces en cornet ?
Vraisemblablement, les premiers sorbets* sont arrivés vers 1650, mais la première recette fut trouvée dans un manuel des rives méditerranéennes en 1589, écrit par le Napolitain Giambattista della Porta. Il avait compris l’effet « refroidissant » du sel sur la glace et décrit une expérience « réussie » d’une technique et propose un vin givré dans son ouvrage « la magie naturelle » en inscrivant « Versez-le dans un récipient que vous immergez et remuez dans un mélange de sel et de glace »
* « sorbet » fut traduit de « sherba » issu de la langue des Khalifes de Bagdad, eux aussi gros consommateurs.
On doit à Louis XIV l’introduction d’une glace, mais qui reste encore éloignée des savoureux mélanges homogènes du « Procope ». Ce célèbre et plus vieux café de Paris… fondé en 1686 par Francesco Procopio dei Coltelli, et qui nous apporte, depuis la Sicile, la glace que nous connaissons encore aujourd’hui. Une crème glacée composée de crème, de fruits, de sucre et de glace.
La glace et la bourgeoisie font bon ménage et cela permet d’améliorer ce délice de jour en jour, mais des obstacles surviennent encore.
Socialement : une femme ne doit pas manger une glace au cornet en public et ne doit pas sortir sa langue, pour manquement aux règles de bienséance. Elle doit l’emporter et la manger à l’assiette chez elle.
Techniquement : la glace reste un met cher, car elle coûte à fabriquer. Pour preuve les petites coupes en verre de l’époque qui avaient une petite contenance afin de ne pas trop en mettre.
Mais tout cela n’est rien à côté du fait que le succès de la glace, à la fin du 19e siècle, la rend populaire et du coup… dangereux. Les marchands voulant « surfer » sur cette mode, veulent s’enrichir et n’hésitent pas à vendre des glaces immondes allongées avec de la craie ou du navet ou pire encore, être tentés de ne pas perdre leur production de la journée. Une glace fondant naturellement, les vendeurs la laissaient ainsi pour la recongeler le lendemain. C’est pour cela que les gens étaient souvent malades à l’époque en mangeant des glaces.
Ces manquements aux règles d’hygiène viennent à bout des marchands et leurs nombres diminuent rapidement. Dans les bars, les verres à glaces sont interdits pour ne pas propager la tuberculose. Autant dire que la glace a mauvaise presse.
Sur le sol américain, en 1905, Frank Epperson, avait laissé sur la terrasse de sa maison un bol contenant un mélange d’eau et de soda en poudre, ainsi que la baguette à mélanger. Mais après une nuit très froide, comme on peut en vivre à San Francisco, ce jeune garçon de 11 ans, découvre une sucette glacée qu’il commercialisera et déposera sous le nom d’epsicle, pour devenir PopSicle. En 1925, il revend son brevet à Unilever qui détient aujourd’hui les droits.
Parallèlement, concernant les crèmes glacées, à Vienne, l’empire Ostro-Hongrois permet une industrialisation de la glace grâce à une invention à base d’ammoniac. Cette invention permet de démocratiser celle-ci avec un coût de fabrication stable et raisonnable. Cette ingéniosité a donné des ailes à l’essor de nos desserts glacés en Europe.
Aujourd’hui, les glaces « bon-marché » sont souvent sucrées, voire même très sucrées, car il s’agit d’un ingrédient qui coûte moins cher que les fruits ou la crème. Pire encore, les glaces ne contiennent même plus de sucres, mais un ingrédient très controversé nommé « glucose-fructose » ou HFSC 55.
Remarquez aussi que nous ne parlons plus de poids, mais de volume. En effet vous n’achetez pas 1 kilo de glace, mais 1 litre. Pourquoi ? Parce qu’il est autorisé d’introduire de l’air que l’on appelle le « foisonnage » à hauteur de 50 %. Cette embrouille, qui permet une onctuosité, permet aussi de vendre de l’air, de l’eau et du sucre… et nous ne devons pas remercier Margret Tatcher, qui était avant d’être premier ministre, une chimiste. Elle est, en effet, à l’origine de cette amélioration technique pour injecter toujours plus d’air.
L’ère de la glace est devenue faramineuse depuis les années « réfrigérateurs » et ce marché qui « rend heureux » les consommateurs est le terrain d’une guerre sans merci entre grands distributeurs. Le documentaire Gelato, diffusé sur France 5 propose avec les propos de Don Colter de l’agence de communication McCann Erickson, sa vision des marques à travers cette constatation :
« Pour les femmes, c’est plutôt la marque Magnum. Pour les enfants, les nouveautés abondent (et liées aux événements cinématographiques). Pour les familles, c’est plutôt Breyers. Pour un repas, un diner, c’est plutôt Carte d’Or. Les marques se sont imposées dans des catégories !!! »
En 1959, Häagen Dazs est né… dans le Bronx grâce au génie de Reuben Matus qui eut l’idée d’inventer un nom avec une consonance symbolisant le Danemark. Et bien que le « ä tréma » et le « z » n’existent pas au Danemark, cette enseigne explose grâce à cette touche « exotique – nord-européenne ». Toutefois, il aura fallu 15 ans à cette enseigne avant de faire des bénéfices, d’autant plus que les concurrents avaient copié son savoir-faire. Reuben Matus n’arrivait pas à suivre et dû « inventer » une autre glace. Une glace différente de l’industrie agro-alimentaire. Il se sépara de toutes ses machines à foisonnage, et voulu alors fabriquer des glaces « comme à la maison ».
Les célébrités ont alors participé au développement de cette marque en goûtant aux glaces.
Ben Cohen and Jerry Greenfield avec la marque « Ben&Jerry » ont eu aussi le succès de ce marché grâce à trois ingrédients : des glaces industrielles de qualité, une ingéniosité marketing très poussée et une aptitude à concilier business et respect social et culturel à travers leur entreprise.
Ils ne jouent pas sur le côté appétissant de leur glace, ils préfèrent l’humour d’une sorte de « capitalisme bienveillant ». Ben & Jerry ont été rachetés par Unilever en 2001 et d’aucuns alertent les fans de ces glaces en précisant que depuis, il y a eu diminution de l’implication sociale de B&J, une délocalisation de la production hors du Vermont, une modification de la liste d’ingrédients et une « perte de l’image hippie cool de la compagnie et de ses produits ».
En France, Berthillon, glacier parisien, nous régale depuis 1954.
Technique
Il existe de nombreux types de glaces, et les appellations sont réglementées.
Elles se répartissent en 3 grandes catégories : les glaces, les crèmes glacées et les sorbets soumis à la réglementation générale applicable aux denrées alimentaires, en matière d’hygiène, d’étiquetage, d’emploi d’additifs et d’arômes alimentaires.
Le code des pratiques loyales des glaces alimentaires est établi par le « Syndicat des Fabricants Industriels de Glaces et la Confédération Nationale des Glaciers de France » et il est regrettable parfois qu’ils n’aient pas été plus précis sur certains aspects de ces produits. Laisser trop de latitudes laisse parfois la porte ouverte aux petits écarts de « dénomination ».
En effet, comment défendre « glace artisanale » par opposition à glace industrielle, quand on sait que les conditions décrites par ce code de pratiques pour les glaces « artisanales » sont tout a fait applicables par les industriels.
Les appellations réglementées concernent la glace, la glace au lait, la glace aux œufs, la crème glacée, la glace aux fruits, la glace à l’eau aux fruits, le glaçon aux fruits, le sorbet aux fruits, le sorbet aux légumes, le sorbet plein-fruits, le sorbet à l’alcool, le sorbet aux épices, le sorbet aux plantes.
L’étiquetage avec le nom technique du produit sera suivi du nom du fruit (de l’alcool et/ou de la plante).
Exemples : « sorbet à la pêche et au basilic » ou « glace à l’ananas ».
Toutefois, des teneurs minimales sont à respecter pour les matières grasses laitières, les œufs, les fruits, les légumes, les extraits secs du lait et les extraits secs totaux tout en respectant un poids minimal au litre. Les fabricants qui le souhaitent peuvent donc offrir des produits de meilleure qualité.
Les glaces (source © : DGCCRF 2010)
– Elles doivent contenir au moins 5 % de matières grasses (du lait ou végétales).
– Elle est obtenue par la congélation d’un mélange pasteurisé de lait et/ou d’ingrédients à base d’œufs et/ou d’ingrédients d’origine végétale et/ou de gélatine et de sucre, aromatisée aux fruits.
– Le code des pratiques loyales a permis l’utilisation de protéines végétales moins caloriques que les protéines laitières, par exemple, le tonyu à base de soja, d’origine végétale. Dans ce cas, la dénomination de vente peut être soit « glace végétale », soit « glace au soja ».
Les crèmes glacées (source © : DGCCRF 2010)
– Elles doivent contenir au moins 8 % de matières grasses animales (crème fraîche ou éventuellement beurre).
– La crème glacée est obtenue par la congélation d’un mélange pasteurisé de lait, de crème et de sucre, aromatisé aux fruits.
– Le seuil minimum en matières grasses laitières est passé, en 2008, de 8 % à 5 %.
Les sorbets (source © : DGCCRF 2010)
– Ils contiennent de l’eau, du sucre et des fruits (au moins 25 %) et sont sans ajout de matières grasses. À noter : le seuil minimal de 25 % de fruits est ramené à 5 % pour les fruits exotiques et 10 % pour les agrumes.
– Il est obtenu par congélation d’un mélange d’eau potable, de sucre de fruits, ou de légumes, éventuellement additionné d’épices ou de plantes.
– L’emploi de protéines laitières est compatible avec la dénomination «sorbet». En effet, les protéines laitières peuvent être utilisées à très faible dose (moins de 1 %) à des fins technologiques pour améliorer l’onctuosité du produit fini (rôle de texturant).
Afin d’assurer correctement l’information du consommateur, les opérateurs doivent indiquer le pourcentage de protéines laitières réellement mises en œuvre dans la liste des ingrédients. En outre, cette indication est obligatoire et indispensable pour les consommateurs allergiques au lait.
L’hygiène
Le site de la DGCCRF, dans ses recommandations 2010 informe. « Les contrôles portent sur la vérification du respect des bonnes pratiques d’hygiène par le vendeur. Ils concernent les équipements (appareils de glaces « à l’italienne »), les installations et les conditions générales de préparation : nettoyage des cuves et des cylindres, utilisation correcte de produits de nettoyage, pratiques de mélange de préparations fabriquées à différents moments et formation du personnel, souvent saisonnier. Les produits font l’objet de prélèvements microbiologiques, l’hygiène et la qualité bactériologique des eaux de trempage des portionneurs à glaces, sources possibles de contamination bactérienne, font l’objet d’une attention particulière ».
La température de conservation des glaces (source © : DGCCRF 2010)
– Les glaces doivent respecter des conditions strictes de conservation et de vente aux consommateurs, qu’elles soient fabriquées directement par les revendeurs ou achetées pour la revente.
– La température de conservation des glaces est de -18°C.
Les glaces en cornet, les bâtonnets… présentés en vue de leur consommation immédiate, peuvent être conservés à la température de service qui ne peut pas être supérieure à -10°C.
– La durée pendant laquelle les produits peuvent rester à -10°C doit être la plus courte possible et, en conséquence, les quantités stockées dans le conservateur, adaptées aux besoins du service.