22 novembre 2024

Ouvrez la bouche !

Quand on interroge les dentistes partant à la retraite entre 2010 et 2012, nous y découvrons une profession à bout de souffle, désabusée par les nouvelles générations. Voici des extraits de quelques témoignages, tous souhaitant rester anonymes, donc Monsieur A, B et C.

Vous allez partir à la retraite. Qui reprendra votre cabinet ?

M. A : « Personne. Mes collègues en partance pour la retraite ne trouvent personne. Des jeunes viennent. Trop vieux. Nos machines et systèmes des années 90 ne leur conviennent pas. Du coup, à mon tour, je ne cherche même plus un repreneur. »

M. B : « Ils souhaitent investir dans un cabinet high-tech pour se donner l’image branchée, à la mode et engranger du cash immédiatement »

M. C : « À Paris, je pensais avoir l’embarras du choix. Cela fait 2 ans que je cherche. J’abandonne. C’est fatigant de se voir dire que mon cabinet remis à neuf en 1999 est désuet. Je ne comprends pas. Je ne comprends plus. L’homme est derrière la machine. À mon époque, on reprenait un cabinet, on installait une clientèle et avec de l’argent, nous investissions pour “moderniser”. Aujourd’hui, le mal de notre société devient la rentabilité à court terme nécessaire par nos systèmes couteux. Alors se produit une inversion. Il faut faire de l’argent, coute que coute. C’est valable pour nos métiers et tous les métiers à forts investissements. En bas de chez moi, une restauration rapide s’est installée. Un couple de jeunes, très sympathiques le tiennent. Ils vous disent, lorsque vous devenez amis. Nous n’avions aucune compétence particulière. Les seuls à nous faire confiance sont ces boites qui vous livrent “clé en main” des matériels “propriétaires”. Vous êtes alors obligé de commander les consommables chez eux. Avec ma copine, me disait le jeune homme, nous ne dormons pas la nuit, si nous n’arrivons pas à réaliser le chiffre d’affaires et m’a dit aussi un jour “Mon père travaillait pour lui, nous nous travaillons pour enrichir des multinationales”. Nous [les dentistes] vivons la même chose. »

Un système d’apprenti est-il mis en place chez les dentistes pour assurer la relève ?

M. A : « Ils sortent de l’école, et comme nous à l’époque se cherchent des remplacements. Toutefois, les modalités ont changé. Autrefois, étudiants, nous étions bien contents de faire des remplacements et le dentiste nous dédommageait. Plus tard, j’ai connu les “apprentis” exiger la totalité de la somme, sous prétexte qu’il avait été seul à travailler. Ils avaient oublié que même si nous laissions notre cabinet à un autre praticien, nous étions toujours assujettis aux taxes, aux impôts, aux frais d’électricité, d’eau et de consommables. Mais le système s’est emballé récemment. Les nouveaux “arrivants” remontés à bloc par une société de consommation exagérée imposent de nouvelles conditions. Ils souhaitent non seulement conserver la totalité des revenus des consultations, mais souhaitent aussi être payé pour la prestation de remplacement. Sans commentaire. »

M. B : « J’ai reçu plusieurs fois de jeunes dentistes, lorsque je vivais dans le Var. J’ai vite arrêté. Ils sont compétents, mais revendiquent tout ce qui peut rapporter de l’argent. C’est usant. En plus, ce qui est dommage c’est l’enthousiasme que ces jeunes portent à des techniques dites “modernes” pour pratiquer des interventions, les rendant non plus “durables”, mais “rentables”. Si vous manquez d’idées, les laboratoires n’en manquent pas pour vous proposer le dernier produit ou matériel “incontournable” »

M. C : « Une fois, j’ai vu un jeune dentiste arriver pour un remplacement ultérieur. La première chose qu’il a faite lorsqu’un de mes patients est arrivé a été de consulter sa fiche. Consciencieux ? Je le croyais, mais en fait il regardait les actes pratiqués. Une fois le client parti, il m’expliquait que les actes de “sous catégories” que sont les soins à 21 euros n’étaient pas possibles de son point de vue et m’avoua “Un simple soin ? Mais ce n’est pas rentable. Il faut ajouter quelques choses pour faire grimper la consultation, sinon ce n’est pas possible.” Quand vous avez vécu cela, vous avez compris beaucoup de choses. »

Les témoignages suivants sont issus de conversations établies avec des « anciens » du métier.

Leurs propos sont graves et, je l’espère, ne reflètent pas la profession. De toute façon, ils sont a mettre au bénéfice du doute, car leurs informations ne sont plus vérifiables en 2011.

Une ancienne assistante dentaire me confia cette histoire.
Mme. X. : « Lorsque le Dr Z., n’avait pas assez de clients, il laissait glisser sa fraise sur une dent saine très discrètement. Il était sûr de vous revoir. »

Un ancien commercial en produits dentaires.
M. Y. : « J’ai même vu des dentistes, qui au début du jetable, n’acceptaient pas de laisser partir à la poubelle les cotons de maintien dans la bouche. Ils les faisaient sécher pour les réutiliser. »

Dialogue entre la Bibliothécaire et Samuel
.
Extrait du conte philosophique Le Mendiant et le Milliardaire.
– Les caries ? Mais tout le monde a des caries, protesta Samuel.
– Est-ce une raison pour considérer cela comme normal ? Croyez-vous que la fonction de nos dents soit de procurer un revenu aux dentistes ? Comment expliquez-vous que des dents de nos ancêtres Cro-Magnon nous soient parvenues presque indemnes, alors qu’elles pourrissent désormais dans nos bouches ? Les dents seraient capables de résister à des milliers d’années d’actions corrosives, mais s’abîmeraient dans leur milieu naturel ? Pourquoi ?
– Trop de sucres ?
– Trop de système ! Notre alimentation à base de produits dénaturés et raffinés n’est simplement pas adaptée à notre organisme. Notre style de vie non plus, d’ailleurs.

De toute façon, avec tout le respect que l’on peut avoir pour cette profession, le mieux pour votre santé serait d’avoir des dents saines. Pour ma part, je propose de rééduquer, une fois de plus, l’alimentation des gens. Trop de sucres raffinés partout. Trop d’aliments acidifiants, trop de business autour des produits alimentaires, puis médicaux.

Lire aussi :
Un article sur le nutritionnisme et les découvertes d’un dentiste … en 1932 : Weston A. Price.

« Après avoir fait le tour du monde et rencontré les peuplades les plus diverses, le dentiste américain Weston Price (1870-1948) constata une règle de base : tant que ces peuplades restaient isolées et fidèles à leur régime alimentaire traditionnel, leurs dents étaient superbes. Dès qu’une route était construite et que la civilisation s’installait, la santé des indigènes commençait à s’altérer… (Dr. Catherine Kousmine, Soyez bien dans votre assiette jusqu’à 80 ans et plus, Tchou, 1980.) »

Laisser un commentaire