Changer de paradigme
Lorsque j’ai lancé le mouvement de la désobéissance alimentaire, j’ai présenté à travers un guide le moyen de lutter contre l’industrie alimentaire. Je sais que ce n’est pas facile, pour tout un chacun, et encore moins lorsque l’on doit faire fonctionner un commerce. Toutefois, il faut se féliciter qu’une toute nouvelle génération est en train de démontrer à nos parents que c’est possible. Le champ d’action est large, les idées sont là, il ne manquait que le courage d’une génération prête à tout bousculer et redonner à l’alimentation une valeur ajoutée. Las de voir fleurir des boutiques à sandwiches et canettes de soda, las de manger chez des revendeurs de produits industriels, sans âme et sans goût, des entrepreneurs militants ont repris les rênes fragiles et prometteuses d’un marché plus authentique.
Séduit par tant de désobéissance
Ainsi, je vous présente aujourd’hui une pâtisserie occitane qui ne doit plus vous échapper. À Flourens, à une quinzaine de kilomètres de Toulouse, Klézia Pâtisserie est une enseigne militante, une vraie désobéissante occitane en la personne de Raphaëlle Neveux. J’ai été séduit par son concept, sa carte et sa passion de bien faire. Cette jeune entrepreneuse encourage l’économie locale, préserve la santé et le goût des bonnes choses. Rien n’est transformé par l’industrie, la chef s’occupe de tout afin d’écarter l’UHT, le raffiné, le transformé… Tiens, tiens ! On a bien à faire à une désobéissante. Ma séduction pour son projet, passe par un constat de similitude avec le combat que je mène au quotidien. J’ai l’impression de manger des douceurs réalisées chez moi, mais avec son talent en plus. Sincèrement, je suis une fois de plus bluffé par le pragmatisme féminin, une force doucereuse que les hommes n’ont pas. Klézia, s’autoproclame “pâtisserie qui vous veut du bien” et elle a raison au regard de sa charte radicalement menée vers un essentiel. L’intelligence du concept repose aussi bien sur un choix de matières premières, comme des farines de blés anciens et des fruits locaux cultivés en permaculture, que sur des philosophies privilégiant les circuits courts, les produits bios de saison, les ingrédients à index glycémiques bas (IG bas) et riches en nutriments et en fibres. Le dogme initial réduit autant que possible les sucres, acides gras saturés, le gluten, le lactose ou le gras animal, pour un tout orchestré sans colorants, sans arômes alimentaires ou conservateurs. Cette approche est très similaire à la mienne et de vivre tout cela me fait penser qu’un combat de 20 ans n’est pas vain.
Dégustation
Mais au-delà de la théorie, la dégustation peut séduire davantage ou décevoir. Il me fallait donc découvrir les produits pour me faire un jugement gourmand de cette approche. Découvrez ci-dessous le nom des douceurs, présentées par ordre de dégustation.
Chou chicorée
La pâte à chou est bonne. Ceux qui sont habitués à des farines blanches modernes seront surpris par l’aspect un peu râpeux, mais ils comprendront vite qu’une farine vivante et riche en minéraux a du caractère. Excellent appareil à base de chicorée, sans amertume avec une présence en bouche longue et très agréable. Aucun effet sucré ne vient perturber la dégustation. Une réussite.
Chou cacao cru (et plaque de chocolat cru)
À mon goût, ce chou est un parfait équilibre en sucre. Trop serait gâché, pas assez serait fade. Un dévoreur de choux “traditionnels” serait surpris par tant de raffinement pour cette pièce sans artifice.
Madeleine verveine
Excellente idée que d’utiliser une verveine citronnée. Cette madeleine est très aromatique, subtile. Elle fait voyager avec légèreté sans conteste. Une fois mâchée, une pointe fraiche citronnée reste en bouche pour le plaisir d’y retourner. La farine utilisée se marie à merveille avec les saveurs. Un réel coup de coeur.
Entremets chocolat
La mise en bouche de cet entremets, accompagné de chocolat granuleux est très agréable. J’aspire même à un poil moins de sucre tant le chocolat cru se suffit à lui même, mais je ne sais pas si cela serait partagé, car je ne suis pas une référence en mangeant de la fève cacao criolo du Pérou à 100%, c’est-à-dire sans une once de sucre.
Entremets calisson
L’avant-dernier gâteau, un entremets à la saveur calisson, est un assemblage d’ingrédients rappelant “le calisson”. Le risque de ne pas retrouver la saveur aixoise m’a traversé l’esprit jusqu’à sa mise en bouche, mais j’ai été bluffé par l’assemblage aromatique. Chaque pièce compte et construit la saveur calisson. Une réelle et agréable surprise.
Tartelette orange
Cette tarte à l’orange est superbe. Sa couleur et sa texture sont extrêmement appétissantes, mais en l’occurrence j’ai une petite remarque, plus qu’un reproche. L’orange et l’appareil sont fraichement installés sur une pâte que je trouve un poil trop épaisse et qui semble manquer de la saveur acidulée d’un agrume, de la note florale d’une herbe infusée ou d’un gout “noisetté” de sésame torréfié. Ne serait-ce que pour me dire que l’excellence devient la somme d’expériences ? Peut-être aurais-je dû commencer la dégustation par celle-ci pour respecter une montée en saveurs ?
Un constat
Je crois que l’on note une agréable surprise de ma part, non cachée et assumée. Je suis enthousiaste pour ces entrepreneurs courageux, engagés, militants qui vous veulent du bien. Ils ont choisir de faire leurs métiers avec intelligence et bienveillance. Au quotidien, le fruit de leurs travails imprègne leurs produits. Je vous encourage, une fois de plus, à répondre à ces initiatives rares, mais bien réelles. Cherchez autour de chez vous, soyez curieux. Trouvez ces audacieux afin de les laisser partager avec vous leurs talents et labeurs.