Tout le monde en a entendu parler au moins une fois des sulfites. On entend sur le sujet, tout et son contraire, alors il sera peut être utile de faire le point sur cet ingrédient peu commun. J’ai aussi posé la question à Delphine Garraud, formatrice en viticulture œnologie.
Les sulfites, qu’est ce que c’est ?
Interpellés par la liste d’ingrédients d’un produit, nous découvrons parfois le mot « sulfite ». Un paquet de fruits secs, un pot de moutarde, du vin ou sur une barquette de crustacés sont autant d’endroits où l’on peut y voir figurer la famille des E220 à E228. On emploi les termes anhydride sulfureux, sulfite, disulfite, dioxyde de souffre, SO2 ou bien encore chez certains vignerons métabisulfite de potasse. Le terme « soufre » est un abus de langage, car les aliments n’en contiennent pas en tant que tel.
Les sulfites sont des composés chimiques dérivés du soufre (SO2) ou plus précisément des sels ou esters de l’acide sulfureux (le Littré -1880) et sont utilisés comme conservateurs dans le vin, le cidre et le chouchen, mais aussi dans certaines pâtes alimentaires, les légumes ou fruits séchés, les fruits secs, les cornichons ou préparations en bocaux pour empêcher l’oxydation. Depuis la nuit des temps, ils sont utilisés en vinification et même en traitement préventif sur la vigne pour combattre l’oïdium.
Ils sont référencés de la sorte :
E 220 : Anhydride sulfureux
E 221 : Sulfite de sodium
E 222 : Sulfite acide de sodium
E 223 : Disulfite de sodium
E 224 : Disulfite de potassium
E 226 : Sulfite de calcium (interdit en Australie)
E 227 : Sulfite acide de calcium (interdit en Australie)
E 228 : Sulfite acide de potassium (interdit en Australie)
Sulfiltes et sécurité ?
Nous allons parler dans cet instant info, essentiellement du vin, car c’est avec celui-ci que les préoccupations sont les plus grandes.
Paradoxe quand on réfléchit un peu. Le vin n’est pas un aliment et toutes les attentions portées sont parfois démesurées. A contrario, ces mêmes consommateurs, refusant le moindre vin aux sulfites, sont moins regardants avec les emballages de leurs alimentations quotidiennes, y compris les aliments pour enfants. C’est un fait que j’ai très souvent constaté. L’attention portée par les médias sur le vin nous fait, peut-être, oublier l’essentiel de notre alimentation.
En tous les cas, qu’on se le dise de suite. Le vin sans souffre (sulfite) n’existe pas ! L’appellation exacte devrait plutôt être « sans ajout de souffre », car il faut savoir que les vins peuvent en contenir naturellement quelques mg/l. Les levures en produisent lors de la fermentation alcoolique. Et quelques fois, ce SO2 endogène dépasse les 10 mg/l. et nécessite donc la mention obligatoire sur l’étiquette.
Jean-Emmanuel Simond, nous précise * « Dans le vin, le soufre subsiste sous deux formes : le “soufre combiné” et le “soufre libre”.
60 à 95 % du soufre ajouté se combine à d’autres éléments (phénols, sucres) et n’a pas d’efficacité réelle. Le soufre libre est un gaz qui ne s’associe pas chimiquement aux autres molécules.
C’est donc lui qui est actif. La somme des deux constitue le “soufre total”. »
Il faut savoir que le soufre libre dit « non combiné » est seul considéré comme antiseptique ou antioxydante. Il faudra donc mettre une quantité importante de SO2 au départ pour obtenir le « souffre libre » désiré.
Et alors ? Ces sulfites ?
Elles sont forcément présentes dans votre vin, mais sa présence ne vous sera signalée qu’à partir de 10 mg/l.
Chose étonnante. Certaines étiquettes (comme le Mas Coutelou) mentionnent la présence de sulfite, alors qu’elle ne dépasse pas les 10 mg/l ? La raison à cela : la tranquillité. Leurs analyses en laboratoire sont cohérentes, mais ils préfèrent le mentionner pour éviter toute réclamation.
Sachez aussi que pour des raisons liées à l’acidité des tanins, tous les aliments (ou vins) n’ont pas besoin des mêmes traitements :
Pour indication, le tableau suivant récapitule quelques concentrations maximales autorisées en sulfites par aliments :
Aliments et boissons | Concentration maximale autorisée |
Fruits secs | 1000 mg/kg |
Vins blancs et rosés | 210 mg/L |
Cidres | 200 mg/L |
Vins rouges | 160 mg/L |
Jus de citron (non frais) | 100 mg/L |
Pommes de terre en flocons | 100 mg/kg |
Fruits confits | 60 mg/kg |
Bio exempt de soufre ?
Le débat le plus passionnant est à mon sens, celui qui concerne les vins bios. Comme trop souvent, le flou est entretenu (c’est moins vrai maintenant) et il n’est pas rare d’entendre que le vin bio ne contient pas de sulfites. C’est bien évidemment faux. La règle est la même pour tout le monde, sauf que la dose est souvent revue à la baisse, sans obligation aucune. Toutefois, la mesure se fait obligatoirement sur le vin fini, en bouteille. (SO2 total). Que l’on soit en méthode traditionnelle ou en culture biologique, l’ajout et/ou la dose de sulfite est un choix personnel et non défini par un quelconque cahier des charges (sauf mention dès lors que l’on dépasse la dose maximale indicative de 10 mg/L)
Les réactions aux sulfites.
Le SO2 total se compose du SO2 libre, celui qui fait mal au crâne et que l’on peut sentir au nez quand il y en a trop, et du SO2 combiné, qui comme son nom l’indique se combine à d’autres molécules du vin et est donc imperceptible par l’organisme humain.
Le CHU de Nantes insiste sur les faits suivants : « On parle en effet d’intolérance aux sulfites et non d’allergie, car il s’agit bien souvent d’une réaction inflammatoire non spécifique, liée à l’activation de l’immunité innée suite à l’exposition des cellules aux sulfites : c’est une intolérance à un produit chimique.
Les personnes asthmatiques ou porteuses d’un syndrome de Fernand-Widal (polypose nasale + asthme + intolérance à l’aspirine) sont plus sensibles à l’effet irritant des sulfites : environ 5 % des asthmatiques présentent une difficulté à respirer suite à la consommation d’aliments riches en sulfites, dans la demi-heure en général. Les autres symptômes rapportés sont : un écoulement du nez, des éternuements, des démangeaisons, voire une urticaire ou des douleurs abdominales.
La conduite à tenir est simple : elle repose sur l’éviction des aliments et boissons riches en sulfites. Néanmoins, la liste est longue, et avant de mettre en place des restrictions alimentaires, on peut proposer la réalisation d’un test de réintroduction aux sulfites, sous surveillance hospitalière, pour apporter la preuve de cette intolérance. »
* Les vins sans ajout de soufre. Utopie, rêve ou réalité ? Article publié le 18 juin 2009
Interview de Delphine Garraud, formatrice en viticulture œnologie.
Delphine Garraud, votre expérience en tant que formatrice en viticulture œnologie, peut éclaircir certaines de nos questions sur cette quête aux sans sulfites.
SG : On dit d’un vin trop soufré qu’il a un nez aux arômes d’allumettes brûlées et une finale métallique et bloquée. Ce sont des termes professionnels certes, mais est-ce probant à la dégustation ?
DG : Oui on retrouve facilement la finale métallique sur un vin trop sulfité, par chance en dégustation depuis deux ans cela n’est arrivé qu’une fois. Les vins ayant les concentrations de sulfites les plus élevées sont les vins doux et liquoreux.
SG : Mauvais vins sans soufre, bons vins avec ? Le choix devient difficile ?
DG : Les doses de soufre dans les vins ont été considérablement réduites et la majorité des viticulteurs travaillent correctement. Les vins sans soufre sont plus instables et peuvent être réduits ou oxydés, ils sont plus difficiles à conserver ou transporter. Le danger n’est pas le soufre lui-même, mais la QUANTITÉ !!! J’ai interrogé quelques viticulteurs AB, conventionnels ou coopératives qui pratiquent des vinifications avec des sulfites. Ils sont tous bien en dessous de la dose maximale autorisée ! (moins de la moitié sur les rouges, blancs et rosés pour la plupart)
SG : Que penser, ou conseiller pour l’achat d’un vin traditionnel… et d’un vin bio ?
DG : Privilégier au maximum les circuits courts soit en se rapprochant directement des viticulteurs soit par l’intermédiaire de professionnels du vin (cavistes…) et éviter les supermarchés où les vins sont trop souvent mal conservés. Les vins en conduite technique bio sont un grand plus pour l’environnement. Le secteur de la viticulture est l’un des plus gros consommateurs de pesticides en France, il est important d’encourager à la conversion dans des régions où la pression des maladies est plus faible (Sud de la France notamment).
SG : Votre expérience vous amène à quelle conclusion ?
DG : Le vin reste un moment de plaisir et de partage, il est important de rester sur ces notions là.
Pour le reste je pense que nos habitudes de consommation doivent aussi évoluer ; prendre le temps de savoir ce que l’on boit est aussi important que ce que l’on mange.