Nous vivons de plus en plus vieux. Mythe ou réalité ? Je n’ai pu échapper à cette phrase lors de mes formations ou conférences. Se rassurer sur le fait que nous vivons plus longtemps qu’il y a 200 ans peut procurer une sorte de sensation de plénitude. Une forme de pouvoir sur la vie, au milieu d’une hécatombe de maladies liées à nos modes de vies et de décès prématurément indécents ?
Comme dit très justement, mon petit frère, vivons nous une « espérance de vie ou un maintien de vie ? ».
J’ai déjà entendu à plusieurs reprises l’argument selon lequel il est lassant d’entendre parler de malbouffe puisque nous mangeons bien et vivons plus longtemps qu’auparavant. Les détracteurs de mon pessimisme se gardent bien de ne prendre qu’un seul critère, celui de l’espérance de vie, sans tenir compte du facteur santé. Nous serons au moins d’accord sur un point. L’espérance de vie ne cesse d’augmenter depuis deux siècles et le transhumanisme s’est même fixé l’objectif d’une vie humaine frôlant les 200 ans. Cela pourrait même faire rire, car il reste quand même quelques questions à se poser, telles les retraites et la surpopulation.
J’insiste donc sur cette réalité, l’espérance de vie augmente, mais à quel prix ?
À ce jour, les centenaires d’Okinawa restent actifs et en bonne santé 97 % de leur vie, les Français frôlent les 78 % pour les hommes et 74 % pour les femmes. Mais… il ne suffit pas d’être en vie, encore faut-il être valide et en bonne santé !
Tout l’intérêt d’une vie n’est pas d’alimenter les lobbies de l’alimentation une partie de notre vie pour alimenter celui de la santé par la suite.
Entre 2004 et 2011, l’espérance de vie a été mesurée positive avec un delta de deux années supplémentaires avec une moyenne cumulée de 81,4 ans. Ceux qui ont 65 ans aujourd’hui, auront 23 ans d’existence à venir et se retrouvent au palmarès juste derrière le Japon.
Mais, les français, fiers de leur « french paradox » découvrent chaque jour que la vie n’est plus aussi belle qu’avant et que l’argument du vivre longtemps est un colosse aux pieds d’argile. Devant le critère de l’espérance de vie « en bonne santé », tout s’écroule. La France vit un déclin inattendu, soudain et brutal. Sur ces deux années supplémentaires, il faut amputer deux années et demie de bonne santé, car la période d’incapacité physique a elle aussi été augmentée.
C’est normal, on vieilli ?
D’aucuns argumentent encore que tout cela fait partie d’un processus normal en évoquant le fait que plus l’on vieillit, plus on a de risques de souffrir de son quotidien. Certes, mais ils oublient de lire dans les chiffres l’étrange acharnement que la statistique fait peser sur les plus jeunes… et non les aînés. Les gens qui ont 65 ans aujourd’hui se portent mieux que ceux qui auront 65 ans dans 20 à 30 ans ! Un écart générationnel sans précédent.
La culture occidentale considère que l’inverse de la mort est la vie alors que les bouddhistes pensent que seule la naissance puisse être le contraire de mort. Naissance et Mort : deux curseurs, que les démographes connaissent bien, nécessaires à mesurer… l’écart d’une vie. Désormais, il faudra ajouter des « points clefs » pour quantifier le degré de « validité de bonne santé« . Cette analyse permet alors de visualiser le silencieux, mais néanmoins soudain déclin.
Désormais, habituez-vous au nouveau critère faisant référence dans toute l’Europe qui porte le nom de EVSI (Espérance de Vie Sans Incapacité). Il propose une analyse à la question de « Êtes-vous limité à cause d’un problème de santé depuis au moins six mois dans les activités que les gens font habituellement ? » et attend trois degrés de réponse : « Oui fortement limité », « Oui, mais pas fortement limité », « Non, pas limité du tout ». Cette espérance de vie sans incapacité est tout simplement l’espérance de vie… en bonne santé.
Le futur n’est pas…
À ce rythme, nos futurs enfants, héritiers d’une junk food insolente vivront désormais plus de 16 ans avec des incapacités en tant que garçons et 22,5 ans en tant que filles. Ce « scénario d’expansion des incapacités » ne fait que grandir avec les habitudes alimentaires dictées par les industries agroalimentaires et les arrangements des multinationales au capitalisme gourmand.
Les Français ne sont pas les seuls, la Suède et les États-Unis subissent une baisse de la forme de leurs aînés.
Le programme des souffrances n’est pas des plus réjouissant : troubles musculo-squelettiques (arthrose…), maladies cardio-vasculaires (AVC…), affections respiratoires chez les hommes et dépressions et anxiétés chez les femmes… Toute la panoplie de cancers n’est pas sans reste et les diabètes et maladies dégénératives ou inexpliquées font aussi partie du lot.
Côté chiffres, sur une population de 46 à 64 ans, l’hypertension est passée de 23 % en 1980 à 43 % en 2013, l’hypercholestérolémie a bondi de 34 % à 73 % et le diabète ne cesse de progresser de 12 % à 15,5 %
Comme le rappelle le magazine « Science et Vie de juin 2013 », l’association canadienne de cardiologie appelle à la vigilance avec le slogan « Baby-boomers, vous pensez vieillir en bonne santé, vous risquez d’être déçus ! »
Tristes records ?
Alcool (la France détient le plus triste record de surmortalité), tabac (une progression spectaculaire chez les femmes) et mauvaise alimentation ont été au cœur d’idée de campagne d’information-choc et agressive pour informer les populations… mais au grand dam des industriels, rappelons-le !
L’obésité concerne 15,5 % de la population adulte française contre 39 % chez les américains baby-boomers, la sédentarité française ne faisant qu’encourager les dégâts d’une mauvaise alimentation (contre 50 % à faire un exercice physique, nous ne sommes plus que 35 %), nous rattrapons à grands pas la première place. Monique Gignac, spécialiste canadienne des baby-boomers à l’université de Toronto déplore l’abandon des bonnes habitudes : « Vous êtes encore une quinzaine d’années derrière nous, mais avec l’américanisation des modes de vie, vous risquez de nous rattraper ».
Presque partout dans le monde, l’espérance de vie augmente en même temps que l’allongement du nombre d’années passées en mauvaise santé. Il est peut-être temps de sursauter ?
Lorsque j’étais formateur, las de certains de mes élèves, sur ce sujet terrifiant et alarmant, j’ai parfois été un peu excessif dans mes propos, et pourtant. Ils se sont sentis agressés au premier abord, mais on finit par digérer la critique et changer. Alors rien n’est perdu :). Je leur disais « aimez vos enfants. Interdisez et refusez par amour toute forme d’habitudes alimentaires déplorables. Chips, coca, mayo, ketchup, frites, hamburgers… ne sont pas des aliments du quotidien. Viandes en quantité, pas chère, sans goût, sans intérêt… Cuisines sachets, plats bons marchés… stop. Sachez dire NON. « Non » est une preuve d’amour à un âge où l’on cherche des repères et des limites. Pour les grands, lâchez un peu les téléréalités, émissions à la con et réseaux sociaux sans grand intérêt, pour prendre le temps de cuisiner avec vos enfants. Parents, au lieu d’écrire sur Facebook que le petit à fait popo ou pipi, prenez plutôt le temps de vous intéresser à l’actualité et militer contre des TAFTA, TTIP, OGM autorisés en Europe, hégémonie de Monsanto ou contre des paysans en souffrance interdits de ressemer. Ne le faites pas pour moi, je n’en vaux pas la peine… faites le pour vos enfants bon sang !! »
Plus de huit ans après, j’en ai encore qui m’en reparle… mais qui ont changé !
Tellement vrai tout ça. J’ai 27 ans et je vois bien autour de moi. J’ai des copines en permanence sur internet, aucun sport, aucune sortie avec leur enfant et du plat cuisiné… Ils sont toujours toujours malades. on dirait un sketch parfois. Je vous suit depuis 5 ans et je suis jamais déçu des articles. Si vous voulez des infos sur la suède, je peux repondre car je viens de ce pays. Bonne continuation.