I. REPORTAGE : CHÂTEAU DE BERNE, Lorgues, Var, le 26 avril 2015 .
Journée du Food Truck, organisée par le Château de Berne (Lorgues) et FoodTruck Station (Aix en Provence).
Informations : lire la page officielle.
Ceux qui connaissent mon travail savent que je m’intéresse aux Food Truck, depuis longtemps, pour plusieurs raisons. Lors de la sortie de VisioFood, j’avais parmi mes préfaciers Thierry Marx, fervent défenseur de cette nouvelle restauration. Pour lui, comme pour moi, il s’agit d’une concurrence qui remet en cause les « mauvaises habitudes » de certaines cuisines traditionnelles.
À l’occasion de cette journée, j’ai interviewé quelques Food Truck avant la sonnante de midi. Ma première surprise fut le camion entièrement bio, « B-Cook« . Samuel et sa femme proposent une cuisine raffinée, savoureuse et abordable. Ce jour-là, le saumon grillé aux légumes et pommes de terre était extrêmement savoureux. Plus loin, « Coralie’s Kitchen« , Coralie et Julien, proposaient des hamburgers… et bien que je ne sois pas fan de ce genre de mets, il faut reconnaitre que la première bouchée était des plus étonnantes. On sentait une viande riche, cuite à point dans un pain sélectionné délicat. De l’autre côté, un autre camion à hamburger, le « Son of a Bun« , partageant l’aire du château avec une crêperie bretonne, « la crêpe qui roule« , des pâtes fraîches avec l’ »Emporte Pâtes« , un roi du macaron « Les Macarons de Louis« , des originalités à base de farine de pois chiche avec « Fan de Chiche« , le « Moana« , un camion tahitien avec une cuisine polynésienne des plus rares en food truck (avec un Poe banane coco délicieux). Un spécialiste des coquillages passant de la téline ou des huîtres à la paëlla avec « Fred Coquillage« . Côté exotique, un camion vietnamien, le « Aux délices de Banoï« , tenu par un garçon qui a voulu « reprendre les recettes de sa grand-mère vietnamienne ». Accompagné de sa femme, il propose le traditionnel Bo-Bún (boeuf-vermicel) à côté d’un Gà-Bún (poulet-vermicel) et d’un Thit Kho traditionnel (Porc au caramel), avec morceaux de viandes choisis. La truffe était tout autant à l’honneur dans le camion Diamant Noir tenu par une équipe 100% féminine. Chacun y trouve son compte, sachant que le critère de sélection de cette journée était, bien évidemment, le 100% fait maison, frais.
À la question, pourquoi un camion food truck ?
Les réponses sont unanimes et dans le même ordre. Chacun y va de son anecdote et de son parcours de vie, mais tous reviennent au même fondement.
1. Nous avons la bougeotte et il est agréable de changer de lieux. L’un d’entre eux me dit « Je travaillais non-stop dans une cuisine sans fenêtre. Ça me change »
2. Le contact avec le client. Il est vrai qu’ils sont très chaleureux. Je n’ai jamais vu un camion, avec un personnel désagréable. Ils aiment parler 🙂
3. La possibilité de montrer notre cuisine et de montrer que l’on ne triche pas. Cet argument revient tout le temps. Lorsque vous avez un restaurant de type fastfood, vous êtes par définition, montrés du doigt et accusés (à tort ou à raison) de produire de l’industriel, à base de surgelés. Ici pas de doutes, tout se voit. Pas de serveuses faisant office de filtres entre la cuisine et la salle.
Il est plus difficile de s’installer sur les lieux publics ?
Les réponses sont tout autant unanimes, dont en voici le résumé.
1. Cela a toujours été difficile, mais il est vrai que des freins supplémentaires sont apparus. Les municipalités reculent, souvent sous la pression des restaurants en place. Quoique Paris a ouvert 14 places supplémentaires ce mois-ci.
2. Certains restaurateurs voient d’un mauvais oeil les « food truck » et nous accusent de prendre leurs clients. Le débat est complexe. Nous n’avons pas les mêmes charges, mais nous avons d’autres inconvénients, comme la météo capricieuse, le peu de place et aucun emplacement définitif. Il faut plutôt demander aux clients pourquoi ce changement d’habitudes ?
La réponse est parfois donnée par les clients : trop d’opacité ? Trop de scandales sanitaires ?
La pénétration du produit industriel dans la restauration a signé leur arrêt de mort, comme il signera celui des boulangers pâtissiers se faisant le revendeur de produits surgelés camouflés. La cuisine de rue est l’avenir d’un pays qui bouge. Au Vietnam, c’est même un sport national, le client consomme dans la rue, rarement au restaurant, alors que le coût est identique !
II. FIN DE JOURNÉE : LE VOTE DU JURY.
Après cette journée ensoleillé, sur fond de jazz avec Prézzaj, nous arrivons aux résultats de la délibération d’un jury de professionnels composé de :
Marc Ficher, Directeur Général Tourisme du Château de Berne.
Jérémy Czaplicki, Chef exécutif des restaurants du Château de Berne.
Isabelle Bono, journaliste Var Matin.
Bernard Van de Kerkoff, journaliste.
Marie Tabacchi, Journaliste spécialisé dans la restauration et la gastronomie.
Jérémy Capitano, Journaliste.
Léon Ficher, Responsable Tourisme de la CAD.
Et le résultat vers 18 heures :
Premier Prix : Son of a Bun – Hamburgers
Deuxième Prix : Coralie’s Kitchen – Hamburgers
Troisième Prix : BCook – Cuisine Bio
Prix spécial du public : Le Moana – Cuisine Tahitienne.
Personnellement, je reste étonné que les deux premiers prix soient des camions à hamburgers. Sans remettre en cause la qualité, que j’ai personnellement reconnue, j’en tire aussi des conclusions à approfondir. La cuisine de camion est particulière : les camions pizzas, chinois et/ou crêpes, existant depuis longtemps, restent adaptés à ce genre d’espaces réduits, pour une exécution rapide et savoureuse. Les hamburgers ont quant à eux aussi trouvé leur rythme de croisière et séduit un marché.
Pour les autres cuisines, il faut inventer et réinventer sans cesse un nouveau modèle. La transposition en barquette de plats ne suffit donc pas, il faut intégrer d’autres critères. Le prix, le mode de cuisson, l’assemblage et sa rapidité, mais surtout la maniabilité du produit en main ! Pas de couteaux, pas d’assiettes ? Une gamme simple, un camion attrayant et une offre stimulante avec une appétence attrayante qui ne nécessite pas hésitation. Attention à ces boites jaunes « bons marchés » qui dénaturent un produit de qualité. Attention aussi à l’ouverture du camion, elle doit être immense et basse, et non se résumer à une fenêtre passe-plats. Tout compte. L’acte de séduction est immense, car il intègre le fait d’être rassuré par un concept innovant, donc méconnu, donc inquiétant pour certains. Le « food truck » est en France un peu comme un jeune enfant en pleine éducation. Voyager et observer le savoir-faire des pays coutumiers du fait donne des ailes à un projet. Au Vietnam, une soupe est servie en 15 secondes : nouilles, viandes, accompagnements puis bouillon versé par dessus en un clin d’œil. Idem au Japon pour les spécialités Bento…
Longue vie à cette culture ambulante et pour les Aixois … Découvrez ou redécouvrez ce lieu The Food Truck Station.
Une réflexion sur « Festival du Food Truck, au château de Berne ! »