Des citoyens sous influence …
Il s’agit de la représentation d’un système basé sur la marque, sur l’envie et le plaisir de nous faire consommer. Un constat pitoyable. Telles des dindes, nous sommes dominés par les vœux pieux des fabricants. Loin de vouloir stigmatiser une quelconque théorie du complot, il faut se rendre à l’évidence que les marques, relayées par les médias, s’occupent de l’éducation de nos enfants et le résultat n’est pas beau à voir.
La réclame des années 50 a tellement évolué que nous sommes, aujourd’hui, face à une déferlante publicitaire sans commune mesure.
Dans les années 90, j’ai participé à cet effort publicitaire sans merci. Graphiste puis Directeur artistique, au sein d’agences ou de studios, j’ai pêché !
Oui, j’ai cru que la publicité s’occupait d’honorer le bon, de démontrer le beau, d’afficher l’irrésistible et pourtant, rien de tout cela n’existait.
Quand j’ai changé de « camp » et choisi de passer un diplôme de formateur pour enseigner les changements de comportement alimentaire, j’ai étonné et d’aucuns ont été choqués.
Avais-je « craché dans la soupe » ou pour la première fois de ma vie, avais-je « voulu m’intéresser à ce que j’avais dans l’assiette ? »
La publicité est devenue une science aiguisée, ballotée par les dernières exigences des sciences en neuro-marketing. On n’y échappe pas !!
En 2010, le CSA a donné son accord pour que les marques puissent apparaitre dans vos séries préférées : un aspect de plus vers un monde « façonnée par nos marques ».
«Ce que l’on fait tous les jours est irrationnel.
Ce qui est drôle, c’est que nous, les consommateurs, croyons être rationnels.
Mais 85 % de nos actions sont probablement irrationnelles.
C’est comme cela que les marques nous atteignent.
Une marque, en fait, c’est juste de l’émotion.
On ne peut pas la toucher, on ne peut pas la sentir.
C’est dans notre tête »Martin Lindström. Expert en marketing. // extrait du film Neuro-marketing, © Laurence Serfaty
Les marques participeraient-elles à notre déshumanisation complète ? Les marques encourageraient-elles l’individualisme ? Difficile de faire le rapprochement tant notre éducation est liée à la marque et aux opérations marketing. Nos choix, enfants, sont déjà influencés par les produits mettant en avant des joueurs de foot, des stars du moment, des faire-valoir.
Nos jeunes enfants, dès 3 ans, reconnaissent, en moyenne, 40 % des marques. Ce taux de reconnaissance, particulièrement élevé, donnerait [1] semble-t-il d’après une expérimentation réalisée en 2010, un comportement de discrimination chez les jeunes enfants qui finissent par se juger en fonction des marques qu’ils consomment.
Il faut savoir que le temps d’exposition des enfants, à la publicité, est aujourd’hui vingt fois supérieur [2] que dans les années 80. Les médias nous ont à l’usure, forcément, vu le temps passé, ca fini par payer !
Les valeurs ont changé, le beau et le neuf ne suffisent plus, il faut le dernier cri. À ce sujet, le sociologue Thomas Sauvadet a écrit » Dans notre société, il faut avoir pour être. Désormais, la valeur suprême est la possession ».
Mais alors, en tant que fils de pubs, mon maître en la matière Jacques Seguéla aurait-il raté quelque chose ? Lui, si brillant pour vendre le produit des autres aurait il tout simplement occulté l’aspect de notre métier ? Je ne pense pas, ou plus précisément, il fut aussi victime de ce changement à fois brutal et doucereux entre les années 80 et 2000. Il n’a pas vu venir, l’ombre du dragon marketing et en guise de repenti informait, lors d’un colloque, devant les caméras de LCI, ceci :
«… Nous avons cru inventer la société de communication.
Nous avons inventé une société de solitude.
Plus on a communiqué au XXe siècle, moins on s’est parlé.
Nous avons tous été sans le savoir et moi le premier des petits Goebbles.
On a enfoncé des slogans dans la tête des gens sans qu’ils puissent réagir,
jusqu’à les rendre complètement marteau»Jacques Seguela. Publicitaire. 2010.
Fred Metayer dit aussi dans une de ses chansons, « De c’côté du monde« :
« …Communication y’a
Quelque chose que j’comprends pas
Plus y’a de portables et moins j’te vois
Quoi que dise Francky
Non la boite vocale
J’m’y fais pas»
Mais quel est le remède ?
En France, nous en sommes arrivés à un point assez paradoxal quand on pense à la faim dans le monde : 30 à 40 % de la nourriture est jetée. Sur 20 kilos de déchets que nous jetons par mois, 7 kg concernent des emballages encore fermés. Nos cantines sont les démonstrations de l’usure alimentaire. Nous ne produisons plus du bon, mais du rentable, du pas cher, de la quantité et du respect pour les actionnaires.
En France, [3] nous avons eu droit aux campagnes « laitières », suite aux distributions de lait dans les écoles et casernes militaires, dès 1954 et rendues obligatoires par Mendes France. La production de lait devenant importante, les médias se sont chargés de soutenir les ventes en distribuant des messages nutritionnels aux enfants, puis aux parents. Dans les années 80, un retour en force du lait est arrivé avec des couleurs et des goûts plus jeunes, mais ne suffisant pas, les séniors ont eu droit à leurs messages inquiétants sur l’ostéoporose.
Où est le réel besoin ? Nutritionnel ou industriel ?
Un seul remède alors, ne pas s’intéresser à la publicité et consommer juste. Revenir en arrière un instant et se rappeler avec respect ce que nos grands-parents consommaient. Mon grand-père dit :
« Une publicité qui passe à la télé vante les mérites d’un produit qui ne m’intéresse pas ! »
Et lorsque je lui demande pourquoi, il me glisse :
« S’ils ont les moyens de se payer une réclame télé, aussi chère, c’est qu’ils ont les moyens…
et s’ils ont les moyens c’est que ce sont des industriels, pas des artisans »Paul V., 88 ans
N’oublions pas que ce genre de société, ne sublime plus la masse des travailleurs, des fidèles, des soldats et, se retrouve gérée par une uniformisation de l’éducation, avec les mêmes publicités, les mêmes télévisions et radios. Cette masse, gérée au niveau des pensées et des idées, modifie son comportement et se retrouve, sans le savoir, dans un système totalitaire.
Et cela est un vrai danger. Le « vu à la télé » est un sésame, à tel point qu’une trop large part de la jeunesse y fonde un espoir et, pouvoir et savoir y faire… n’importe quoi… pour le plus grand bonheur des producteurs. Rappelez-vous l’émission « le jeu de la mort »… on y arrive.
Revoyez « The Truman Show » et relisez « Marche ou crève » : autres illustrations de cet article de mon point de vue.